Rapport du Forum Ibrahim Governance Weekend – Ce qu’il faut retenir
24 July, 2023
Lors du Ibrahim Governance Weekend (IGW) 2023, qui s'est tenu à Nairobi du 28 au 30 Avril, les grands acteurs et partenaires du continent africain se sont réunis pour échanger autour du thème ‘Global Africa’, à partir d’une analyse fouillée du poids de l'Afrique dans le monde, de la présence internationale sur le continent, et enfin de la place de l’Afrique au sein de l'architecture multilatérale.
Voici les points importants de cette réunion significative :
Point 1 : Le regard sur l'Afrique
Il est indispensable de faire évoluer la perception que le monde se fait de l’Afrique et de mesurer pleinement ses atouts et son potentiel. Il faut sortir d’une vision étriquée qui considère le continent comme le creuset de problèmes à résoudre. Au contraire, il faut identifier les richesses et les opportunités présentées par l'Afrique. Les grands défis du monde contemporain, changement climatique, pandémies, terrorisme, insécurité, exigent des solutions collaboratives dans lesquelles l'Afrique peut jouer un rôle essentiel. Il faut aussi cesser de résumer l'Afrique a une simple entité homogène, car il s’agit d’un continent complexe et diversifié, avec des nations, des géographies et des histoires qui sont chacune particulières.
Si le monde veut résoudre les menaces existentielles auxquelles il est confronté, l'Afrique doit faire partie de la solution.
~Zein Abdalla, Président de la Fondation Mastercard
Point 2 : Partenariat
Fondée sur la parité et la collaboration, un vrai partenariat va au-delà de l’aide ou du souci de l’autre : il signifie une relation basée sur des intérêts partagés et des accords mutuellement bénéfiques. L'Afrique ne peut pas devenir le champ de bataille d’une « nouvelle guerre froide", mais plutôt un espace où des coalitions diversifiées travaillent à résoudre des problématiques diverses. Les partenariats doivent également dépasser le seul niveau État/État pour activement impliquer le secteur privé, la société civile, et en particulier les jeunes. Ils doivent enfin engager la responsabilité de leurs acteurs, ce qui suppose le suivi attentif des engagements, de la mise en œuvre des ressources et de l’effectivité des résultats.
Les gouvernements africains peuvent faire beaucoup plus pour coordonner les activités des acteurs non étatiques, et pour coordonner les ressources afin de travailler de manière beaucoup plus efficace en fonction de ce que le gouvernement souhaite réellement
~William Asiko, Directeur Général Afrique, Fondation Rockefeller
Point 3: Multilateralism
Il faut impérativement actualiser le système multilatéral actuel, qui reste encore aujourd’hui déterminé par les équilibres de pouvoir établis au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Pour représenter réellement le monde d'aujourd'hui, le système doit être démocratisé. Un système multilatéral réformé devra répondre aux besoins de tous, en particulier en ce qui concerne les ressources financières pour le développement des pays africains. Les ressources actuelles sont inadéquates et accroissent les inégalités. Les systèmes financiers actuels pénalisent en outre les pays africains par des évaluations du risque inadéquates et des taux d'intérêt excessifs. Il est crucial de proposer des financements plus équitable et de mettre en place des mécanismes spécifiques pour répondre rapidement aux catastrophes climatiques ou sanitaires.
Disons-le franchement, dans le système financier international actuel, les dés sont pipés en ce qui nous concerne, pays du ‘Sud mondial’ : il nous est tout simplement impossible de gérer adéquatement nos besoins de développement avec les ressources qu’il nous propose.
~S.E. William Ruto, Président du Kenya
Point 4 : Le potentiel africain
Le continent dispose d’ un potentiel inexploité mais essentiel pour son développement économique. Il peut être utilisé pour des investissements dans l'éducation et la formation des jeunes, le développement de chaînes de valeurs locales pour les ressources naturelles, le soutien à l'entrepreneuriat via le capital-risque et des systèmes d'incubation, ainsi que le soutien aux industries de soft-power comme le sport et le divertissement. Mais le continent doit aussi renforcer ses ressources financières propres en augmentant ses capacités fiscales, en mettant un terme aux flux de capitaux illicites et en utilisant mieux ses fonds souverains et fonds de pension.
C'est le moment de repenser le programme éducatif et de décider de sa pertinence.
~S.E. Yemi Osinbajo, Vice-Président du Nigeria
Point 5 : La « voix de l'Afrique »
Les gouvernements africains doivent établir des positions claires articulant une voix unifiée. Organiser des sommets panafricains et des rencontres en amont des réunions mondiales comme la COP peut faciliter l’élaboration de priorités communes. Des réformes institutionnelles sont également nécessaires pour renforcer l'Union africaine, tandis que l'intégration économique est cruciale pour favoriser l’union politique.
Commençons par harmoniser nos politiques, et alors notre voix dans le monde sera amplifiée. Cette voix, il nous appartient d’y travailler. Nous devons la mériter, en maintenant notre continent stable, pacifique, intégré.
~Donald Kaberuka, Managing partner chez Southbridge Group
Le Ibrahim Governance Weekend 2023 a été l’occasion de remettre en question les perceptions prédominantes pour mettre en valeur le potentiel de l'Afrique. En reconnaissant les atouts du continent, en construisant des partenariats efficaces, en plaidant pour une réforme profonde du système multilatéral, en exploitant un potentiel inutilisé et en articulant une voix unifiée, l'Afrique peut redéfinir le narratif et se positionner comme un acteur essentiel de l’échiquier international.