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Les Etats-Unis, la Chine et Kristalina

Déclaration de Dr Mo Ibrahim

Le bras de fer géopolitique opposant les États-Unis, l'actuelle superpuissance dominante, et la Chine, nouvelle prétendante au titre, constitue une sérieuse menace pour le multilatéralisme et les institutions mondiales.

Les dernières attaques contre Kristalina Georgieva, Directrice générale du Fonds monétaire international, en est un exemple édifiant. Mme Georgieva est accusée d'avoir interféré avec le classement du rapport annuel « Doing Business » de la Banque mondiale en 2018, lorsqu'elle présidait cette institution, pour que la Chine obtienne un classement plus favorable. Cette accusation est pour le moins déroutante, étant donné que la personne qui pilotait ce rapport, le Professeur Shantayanan Devarajan, économiste en chef à la Banque mondiale affirme qu’elle n’a rien fait de tel. On peut même constater, qu’en 2018, la progression de la Chine dans le classement annuel a stagné. Ce n’est que suite au départ de Kristalina Georgieva de la Banque Mondiale que la Chine a repris son ascension dans le classement, gagnant 15 places entre 2019 et 2020.

Kristalina Georgieva n'est pas la seule haut-fonctionnaire internationale prise dans la tourmente de l'hostilité entre les Etats-Unis et la Chine. Avant elle, le Président Trump a tenté de discréditer le Dr Tedros Ghebreyesus, Directeur général de l'Organisation, l’accusant de complaisance envers la Chine. Les États-Unis ont par la suite suspendu leur adhésion à l'OMS, alors qu’une pandémie faisait des ravages dans le monde entier. Aujourd'hui, c’est le Dr Ghebreyesus qui se trouve sous le feu de la Chine à propos de l'enquête de l'OMS sur l'origine du COVID-19.

Kristalina Georgieva a fait preuve d’un leadership engagé et d’un soutien essentiel aux pays en voie de développement, alors qu’ils luttaient contre les retombées économiques de la pandémie. Elle a joué un rôle central dans l'allocation additionnelle inédite de 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), et dans l'annulation de la dette des pays les plus pauvres grâce à l’Instrument de Financement Rapide (FCR) du FMI. Ce soutien est vital pour les nations africaines qui, sans les leviers fiscaux et monétaires dont disposent les nations plus riches, n'ont pu mobiliser jusque-là que moins de 1% de leur PIB pour répondre à la crise du COVID-19.

La pandémie a mis en évidence l’importance du multilatéralisme. Les défis mondiaux se multiplient et appellent une réponse collective. Il serait dommageable que Kristalina Georgieva, une dirigeante hautement compétente sur la scène mondiale, tombe sous le coup d’accusations fallacieuses de favoritisme envers la Chine. Tout comme il serait dommageable que cette affaire fragilise davantage le système multilatéral affaiblissant encore notre capacité collective à relever les défis globaux qui s’amoncèlent.

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